Eurêka

Le ciel des dieux

Je vous invite d’abord à découvrir la vision du cosmos chez quelques-unes des premières civilisations orientales où religion et cosmologie sont à peine discernables.

Les mythes de la Création ont joué un rôle particulièrement important dans les sociétés orientales. La première civilisation mésopotamienne prit naissance à Sumer, près du golfe Persique. On retrouve la vision babylonienne de la Création du cosmos dans le volume Enuma Elish, rédigé entre 2000 et 3000 avant J.C. (l’équivalent de la Bible chrétienne). Le monde serait né du conflit entre les forces du Chaos et celles des dieux. Le Chaos primordial, à l’origine de tout, venait des êtres premiers : Apsu, représentant les eaux douces, et Tiamat, représentant les eaux salées. De l’union des eaux douces et salées naquit le dieu du Ciel, Anu. Le mythe babylonien reflète ici la rencontre des eaux douces et salées dans le golfe Persique. Le dieu de la Terre, Ea, naquit ensuite de l’accouplement de Apsu et Tiamat. Les dieux se multiplièrent, chacun gérant un aspect du monde.

À la même époque, l’univers mythique égyptien prenait son essor. L’Égypte s’étend dans un vaste désert aride sauf pour ce qui est de la vallée fertile du Nil. Il n’est donc pas surprenant que le Soleil soit le dieu créateur dans cet univers, tandis que l’eau était source de vie. On se rappelle que les crues annuelles du Nil ont permis à l’agriculture et donc à la société égyptienne de se développer. Dans la mythologie égyptienne, la vie a surgi de l’océan primordial, Nun. Geb était la Terre : un disque plat bordé de montagnes, flottant sur l’océan primordial Nun. Le corps de la belle déesse Nout, soutenu par le dieu de l’Air, Shu, formait la voûte céleste. Les bijoux qui paraient son corps et brillaient de tous leurs feux étaient les planètes et les étoiles. Le dieu Soleil, Râ, traversait le corps de Nout sur un bateau pendant le jour, pour rebrousser chemin à travers les eaux, sous terre, durant la nuit. Dans le monde souterrain, il devait affronter un énorme serpent, Apep, qui s’opposait au passage du bateau. Ce combat féroce se traduisait sur terre par des tempêtes. Une éclipse totale de Soleil signifiait qu’Apep avait momentanément avalé le bateau. Mai toujours Râ reprenait le dessus. Il réapparaissait le jour suivant pour illuminer et réchauffer le monde de ses rayons bienfaisants.

Dans la cosmologie chinoise, le concept d’un Dieu créateur étant absent, le monde était engendré par l’action dynamique et réciproque de deux forces polaires opposées, le Yin et le Yang. Ce concept avait été proposé par le philosophe chinois Confucius vers l’an 500 avant J.C. Le ciel était associé au Yang, pouvoir masculin, fort et créateur, tandis que la terre était représentée par le Yin, élément féminin, maternel et intuitif. L’Univers obéissait à un mouvement cyclique perpétuel, le Yang parvenant à son maximum pour céder la place au Yin. Le Soleil, sec et lumineux, était le Yang. La Lune, moite et sombre, était le Yin. Le jour qui suit la nuit, l’été brillant et chaud qui succède à l’hiver sombre et froid; autant d’exemples de l’interaction harmonieuse du Yin et du Yang.

Avec le temps, l’homme commença à remarquer que les phénomènes célestes montraient une régularité absente des affaires humaines : le mouvement du Soleil à travers le ciel durant la journée, la lune qui change d’apparence à intervalles réguliers pendant le mois, les saisons qui se succèdent, le retour du Soleil après une éclipse. La survie de l’homme et son bien-être dépendaient de sa connaissance des phénomènes célestes et des liens entre le ciel et la terre. Ainsi, l’ensemencement du sol et la récolte de fruits et de plantes ne pouvaient s’effectuer qu’à certains moments de certaines saisons.

Lorsque vous levez la tête vers le ciel par une nuit noire, à l’extérieur des villes de préférence, vos yeux sont attirés par les étoiles les plus brillantes et vous vous mettez à les relier par des lignes imaginaires et à tracer des motifs dans le ciel. L’homme a toujours ressenti ce besoin de mettre de l’ordre dans le ciel. Il y a ainsi projeté ses rêves et ses aspirations; les dessins qu’il croit y discerner reflètent les particularités de son environnement. Par exemple, dans l’hémisphère Nord, un groupe remarquable de 7 étoiles a été appelé Grande Ourse par les astronomes de l’Antiquité grecque et les Indiens d’Amérique. Cette même constellation est plutôt perçue comme une casserole par les Français. Par contre, pour les Égyptiens, cette même constellation représentait un curieux cortège formé d’un taureau, d’un dieu en position horizontale et d’un hippopotame portant un crocodile sur son dos.

Le ciel en entier a ainsi été séparé en quatre-vingt-huit constellations dont plusieurs, en Occident, portent toujours le nom de personnages mythiques de l’Antiquité grecque, tels Andromède ou Cassiopée. Comme le Soleil et la Lune, les étoiles, et donc les constellations qu’elles forment, se lèvent à l’est et se couchent à l’ouest. Ce changement d’apparence du ciel au cours de la nuit s’explique par le mouvement de rotation de la Terre autour de son axe. Les constellations visibles dans le ciel changent aussi au cours de l’année du fait du mouvement annuel de la Terre sur son orbite autour du Soleil. D’où un ordre et une prédictibilité du ciel, plutôt réconfortante dans un monde turbulent.

Dans la prochaine rubrique, nous verrons comment l’homme a progressivement quantifié ses observations du ciel.

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