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Les premiers observatoires

Ce souci de lire dans le ciel a poussé l’homme antique à construire des sortes d’observatoires pour conserver une trace du passage des saisons. Un des exemples les plus impressionnants se trouve dans le sud de l’Angleterre. Il s’agit de l’ensemble mégalithique de Stonehenge (Voir figure 1 ci-dessous), probablement édifié au IIIe millénaire avant J.C., à l’époque où les pharaons du Moyen Empire régnaient sur l’Égypte.


Figure 1. Site mégalithique Stonehenge.


Le visiteur qui arrive dans la plaine de Salisbury voit surgir devant lui plusieurs rangs concentriques de dolmens et de menhirs, dont certains atteignent jusqu’à 6 mètres de hauteur. Stonehenge peut être vu comme un immense calendrier cosmique marquant le passage des saisons. Ses constructeurs avaient remarqué le va-et-vient régulier de l’emplacement du lever du Soleil à l’horizon au cours des saisons. Le 21 juin, jour du solstice d’été, le Soleil se lève au point le plus au nord à l’horizon. Six mois plus tard, le 21 décembre, jour qui marque le début de l’hiver, c’est le plus au sud qu’il émerge au-dessus de l’horizon. Six mois plus tard, il se lève de nouveau au point le plus au nord, et ainsi de suite.

Les « archéo-astronomes » ont établi que l’allée centrale de Stonehenge est orientée vers le point le plus au nord, correspondant au solstice d’été, et que l’ensemble mégalithique constitue bien un observatoire astronomique. On pense qu’il servait également d’observatoire lunaire. Les nombreux monticules et fossés qui entourent Stonehenge semblent être alignés sur le lever de la Lune en son point le plus au nord à l’horizon, bien que les alignements soient plus approximatifs car le mouvement de la Lune est plus complexe que celui du Soleil.

Les Indiens d’Amérique du Nord s’adonnaient également à l’observation et à l’adoration du Soleil et de la Lune. Ils ont eux aussi édifié des temples pour marquer et mesurer le passage des saisons. Ainsi, dans le canyon de Chaco, au Nouveau-Mexique, les Indiens Anasazi ont construit, dès le XIe siècle apr. J.C., un bâtiment sans toit appelé kiva, qui signifie temple, (Voir figure 2 ci-dessous) pourvu d’une fenêtre orientée de telle façon qu’à l’aube du 21 juin, la lumière solaire entre par une fente illuminant un dessin gravé dans le mur opposé. On voit dans le même kiva une série de vingt-huit niches correspondant au nombre de jours que met la Lune pour revenir à la même position parmi les constellations.


Figure 2. Kiva des indiens Anasazi.


En Amérique centrale, l’observatoire le plus connu de la période méso-américaine est le « Caracol » édifié par les Mayas en l’an mil, à Chichén Itza, dans la péninsule du Yucatan, au Mexique (Voir figure 3 ci-dessous).


Figure 3. Observatoire maya Caracol.


L’observatoire montre de nombreux alignements avec le Soleil, la Lune et la planète Vénus. La fascination des Mayas pour les régularités et les cycles des objets célestes est aussi évidente dans leur calendrier fondé sur les cycles de Vénus, le fameux Dresden Codex (Voir figure 4 ci-dessous).


Figure 4. Calendrier Maya Dresden Codex.


Notons aussi les dessins énigmatiques et gigantesques (de 0,5 à 8 kilomètres) tracés au sol, par les Nazcas, sur la côte sud du Pérou. Ils semblent également receler une signification astronomique et représentent peut-être la Voie lactée (Voir figure 5 ci-dessous).


Figure 5. Géoglyphes de la plaine de Nazca.


D’autres civilisations ont érigé des constructions comportant des alignements avec le Soleil et la Lune. Tel fut le cas du complexe funéraire d’Angkor Vat, construit par les Khmers depuis le VIIe siècle jusqu’à la fin du XIIIe, dans le Cambodge occidental (Voir figure 6 ci-dessous).


Figure 6. Temple d’Angkor Vat.


Les Égyptiens ne furent pas en reste; certains temples et monuments, tel le temple d’Amon-Râ à Karnak, sont orientés vers le Soleil aux solstices d’été et d’hiver. La grande pyramide de Gizeh est alignée sur l’étoile polaire et les saisons peuvent se déduire de la position de son ombre (Voir figure 7 ci-dessous).


Figure 7. Pyramide de Gizeh.


De toute évidence, l’intérêt de l’homme antique pour le ciel ne se réduisait pas à de vagues contes mythiques sur la Création, mais incluait des observations aussi rigoureuses que précises des mouvements des objets célestes. Cette connaissance a été enregistrée dans les monuments et bâtiments qu’ils érigeaient à la gloire de leurs dieux. Ce désir de sacraliser la surface de la Terre en prenant pour modèle le mouvement des cieux, cette correspondance entre l’orientation d’un bâtiment et le calendrier céleste, se retrouveront des siècles plus tard, au Moyen Âge, dans l’orientation donnée aux cathédrales gothiques. Ainsi l’axe de l’église abbatiale du mont Saint-Michel, édifiée en Normandie pour commémorer la victoire de Saint Michel sur Lucifer, est orienté dans la direction où le Soleil se lève à l’horizon le jour même de la fête de saint Michel (Voir figure 8 ci-dessous).


Figure 8. Mont Saint-Michel.


Ne manquez pas notre prochaine rubrique. Vous pourrez assister à la naissance du « miracle grec » ainsi qu’à son impact sur la science occidentale.

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