Pièges linguistiques

Cuir, velours et pataquès... Les liaisons dangereuses!

Entretenez-vous des liaisons douteuses… entre la consonne finale d’un mot et la voyelle du mot suivant (ou un h aspiré) ou encore entre deux voyelles?

Êtes-vous un ou une adepte des « cela va-t-être, pourra-t-être, devra-t-être » ou encore des « tu es trop-z-aimable et donne-moi-z-en ».
Si oui, vous faites des cuirs, des velours et des pataquès.

Une fausse liaison s’appelle familièrement cuir quand elle faite par l’addition d’un « t ».
Exemple :
   Il s’en va-t-en guerre.
   Elle commanda-t-une camomille. (Raymond Queneau, Chiendent)

Elle s’appelle velours quand elle est faite par l’addition d’un « z ».
Exemple : Cent-z-étudiants. Cent prend le « s » quand il est multiplié et non suivi d’un autre chiffre. Voir l’accord des nombres.
   Bientôt, on frappa-z-à-la porte. (R. Queneau, ib.)

L’origine du mot pataquès viendrait d’une anecdote racontée par le grammairien Domergue, auteur du Manuel des amateurs de langue française. Voici cette anecdote :

  La scène se passe dans une loge de l’Opéra au siècle dernier. Un homme distingué se trouve placé derrière deux dames parées comme des marquises, mais dont la conversation dénote une absence assez remarquable d’éducation. Ramassant un éventail à ses pieds, notre homme s’adresse à l’une de ses voisines :
 
« Pardon, madame! Cet éventail serait-il à vous?
 
Non! Il n’est point-z’-à moi! minaude-t-elle.
 
Il est donc à vous, madame! dit-il en se tournant vers l’autre.
 
Non! Il n’est pas-t’à moi!
 
Mais alors, s’étonne l’homme du monde, si ce n’est point-z’à vous et si ce n’est pas-t’à vous, ma foi, je ne sais pas-t’-à–qui-est-ce? »

Ainsi, le mot pataquès a d’abord désigné une faute de liaison avant de qualifier tout discours confus rempli d’erreurs grossières.

De nos jours, les liaisons sont moins fréquentes qu’autrefois mais on ne pourrait tout de même pas prononcer la phrase suivante sans liaison :
Les étudiants des îles sont arrivés.

Comment fait-on la liaison?

Les lettres s et x se prononcent [z] : pas (z) à pas, dix (z) ananas.
La lettre d se prononce [t] : un grand (t) homme, quand (t) on voit.
La lettre g se prononce [g] dans la langue courante : un long (g) hiver, mais [k] dans la langue soignée : sang (k) impur (La Marseillaise).

Quand fait-on la liaison?

Entre le déterminant et le nom : les (z) années, tout (t) âge, deux (z) ans.
Entre l’adjectif et le nom : les grands (z) enfants, les bons (z) appétits.
Entre le pronom et le verbe : nous (z)  accueillons, elles (z) aiment.
Entre les auxiliaires avoir et être et le participe passé : vous avez (z) été attaqués,
il est (t) allé.
Entre le verbe et le nom ou l’adjectif attribut : ces locaux sont (t) agréables.
Entre la préposition et son complément : dès (z) aujourd’hui, sans (z) aucun doute.
Entre l’adverbe et le mot qu’il modifie : ces athlètes sont très (z) adroits.
Dans la plupart des locutions et des mots composés : tout (t) à coup, de mieux (z) en mieux, Champs (z)- Élysées, États (z)- Unis.

La liaison ne se fait jamais 

Devant un nom commençant par un h aspiré : les / handicapés, les / héros, les / haricots.
Entre un nom singulier se terminant par une consonne muette et l’adjectif qui le suit : Un cours / intéressant.

Certains auteurs vont faire volontairement un velours  dans l’expression : Entre quatre yeux.
« Je te dirai quelque chose tout à l’heure ENTRE QUATRE Z’YEUX. » (Hervé Bazin. Cri de la chouette)
« Il souhaita une nouvelle rencontre ENTRE QUAT’ZYEUX. » (Vercors, Moi, Aristide Briand)

L’Académie accepte cette liaison par plaisanterie! On doit écrire normalement - entre quatre yeux.

Références bibliographiques

De Villers, Marie-Éva. Multi dictionnaire des difficultés de la langue française (Québec/Amérique)
Gagnière, Claude. Pour tout l’or des mots (Robert Laffont)
Grevisse, Maurice. Le bon usage (Duculot)